Генералиссимус князь Суворов - страница 403

Nous voilà 100 mille hommes, y comptées les troupes de débarquement sur la flotte à rames; même en entrant en opération avec 60 mille hommes, le reste doit suivre aussitôt; en cas d'obstacle on pourrait en rabattre très peu, le temps est le plus cher, - il faut savoir le ménager; souvent nos victoires précédentes étaient sans suites faute de monde. C'est un très faux principe de croire après une défaite de l'ennemi avoir tout fini, lorsqu'il reste à s'occuper de plus grands succès. Ainsi pourraient agir avec plus de solidité aussitôt après la prise de Brahilov les corps №№ 2 et 1 ; mais augmentés à 60 mille combattants, ils se combineront vis-à-vis de Toultcha, passeront le Danube, pénétreront jusqu'à Varna, l'emporteront d'emblée ou de vive force selon les circonstances. La flotte à rames qui agira avec 30 de ses plus gros bâtiments et 40 lotkas, laissant sur le point de Toultcha le reste, consistant en 25 bâtiments et 25 lotkas. Elle ne pourra entrer en rade à Varna jusqu'à ce que notre flotte à voiles n'y ait taillé en pièces, battu ou chassé l'escadre turque. Notre flotte à rames doit être augmentée, mais toujours protégée par celle à voiles - dès ce temps les opérations resteront compliquées avec celles des troupes de terre.

Pour percer jusqu'à Varna les Turcs qui, vers ce temps, ne pourront manquer de rassembler leur armée sous Schoumla et viendront dans ce trajet à notre rencontre, on tâchera de les bien battre et poursuivre avec célérité jusqu'à Schoumla qu'il faut attaquer et raser; et comme de là à Varna il y a une marche de près de 13 jours, il faudra que les mouvements de notre flotte à rames soient bien mesurés et qu'elle y trouve déjà la rade libre par notre flotte à voiles.

Alors si Varna ne peut être emportée de vive force, elle le sera par un siège de quelques jours. Cette entreprise deviendra difficile, si une escadre turque reste postée en sa rade, ce qui endommagerait beaucoup nous et nos travaux; c'est pourquoi aucun des moyens combinés ne doit manquer pour la prompte réussite de l'entreprise. Il est évident que la flotte turque sera alors en mer, elle ira à la rencontre de la nôtre qui lui livrera combat, tâchera de la défaire au possible et lui donnera la chasse jusqu'au canal de Constantinople: alors il serait facile pour notre flotte de tourner voile sur Varna.

Pour se défaire d'une telle escadre ennemie, l'amiral Ouschakoff démontrera la possibilité après son dernier combat naval, si la paix survenue dans le même instant ne lui eut pas fait manquer l'objet.

S'étant rendu maître de Varna le corps entrera en quartier d'hiver dans la Bulgarie, proche des montagnes du Balkan. déployant l'aile droite vers Schoumla pour ouvrir le plus tôt possible la campagne suivante.

La mesure du temps est pour la guerre une règle générale: aussitôt qu'il manquerait pour le projet sur Varna, il faudra le remettre pour la suite.

Je répète ici que cette opération n'est fondée que sur l'ouverture de la campagne aux premiers jours des fourrages verts du printemps; que les forteresses, excepté Brahilov, sont hors d'état de soutenir un siège et que les Turcs, jusqu'à ce qu'elles ne soient envahies, n'y porteront aucun autre obstacle, comme aussi à notre flotte à rames dans le Danube. Il serait surtout essentiel que nous les puissions prévenir aux postes de Sunnia et de Kaptchadal, points des plus essentiels pour nos opérations de la flotte. Quand les Turcs auront le temps de s'y fortifier eux-mêmes selon leurs projets, nous y trouverons les mêmes inconvénients que nous leur préparerons.

Nos émissaires ayant été sur les différentes places viennent de retourner dans cet intervalle et livrent les informations ci-jointes.

Changement d'opération.

Ismaïl, nullement démantelé de notre part à la fin de la dernière guerre, vient d'être rendu beaucoup plus formidable qu'il ne l'avait été, et quoique nos émissaires nous rapportent qu'il n'y a pas tant de canons, il n'est pas à douter qu'ils ne soient pas en grand nombre; y risquer un assaut, serait gigantesque. Palanque, Kilia, Bender, Ackermann et les embouchures du Danube étant en notre pouvoir, et la flotte à rames s'étant rendue maître de Toultcha et d'Isaktchâ, on en formera le siège qui pourra durer 31 jours. Et avant de l'avoir entrepris, un gros détachement des troupes, comme il est dit ci-dessus du corps № 3, qui sera le plus à portée, marchant chemin faisant au rendez-vous général, aura emporté Khotin de vive force. Il n'est pas à croire qu'on laisserait le temps aux Turcs de pousser leur armée jusqu'à Khotin, ni même que cela leur pourrait être utile, comme dans la guerre précédente. Dans l'état actuel des choses ils ont des points plus essentiels et mieux disposés pour ce besoin.

Autres 40 mille hommes entameront le siège de Brahilov. Mais arrivera-t-il qu'à l'ouverture de la campagne, on se trouve dans le cas de commencer les opérations avec beaucoup moins de 100 mille hommes, il sera impossible à se charger d'attaquer les deux forteresses, Braliilov et Ismaïl, ensemble. C'est pourquoi Khotin étant emporté comme il est dit, on se formera, si les circonstances le permettent, en un seul corps, dont le gros s'emparera aussitôt de Bender, Palanka, Ackermann, Kilia - et la flotte à rames ayant percé les embouchures du Danube, en même temps de Toultcha et d'Isaktcha, se fortifiera, comme on en a fait mention, à Kaptchadal et l'occupera en force avec ses troupes de débarquement, comme aussi les embouchures. Après cela ce corps, ayant laissé garnison à Kilia, tous les autres points rasés, se portera sur la forteresse de Brahilov, remettant l'entreprise d'Ismaïl pour la suite.

Comme Brahilov parait être un poste de plus grande conséquence qu'Ismaïl, par la raison qu'en étant une fois maître, on transporte un corps de 15 à 20 mille hommes à Matchin, où il se retranchera en cas de besoin. C'est un pas excellent par lequel on empêche toute communication du haut avec le bas du Danube et surtout avec Ismaïl, à raison des situations impraticables qui se trouvent le long des bords droits du fleuve, entre le canal de Grégoire et la Concefane, de pouvoir manoeuvrer ou passer avec des corps simplement de quelques mille hommes et, par conséquent, à plus forte raison, moins encore avec une armée qui, en tout cas doit toujours franchir le pas de Matchin.

En cette opération il faut bien tâcher de prévenir les Turcs qui, une fois après avoir franchi ce pas, ce n'est pas qu'ils marchent sur Ismaïl pour y passer la rivière, puisqu'ils trouveront le poste de Kaptchadal bien gardé par nos troupes de débarquement, fort de 4 à 6.000 hommes, et par le peu de place de la situation coupée de la Schionta, inattaquable avec une force analogue, - mais ils pourront se porter sous Brahilov pour vouloir rendre le siège impraticable, ce que néanmoins ils ne peuvent qu'avec 25 mille hommes en tâchant de s'appuyer sur la forteresse; à l'égard du terrain étroit, qui en cas d'attaque ne saurait pas en entier être protégé qu'avec fort peu de canons de la forteresse dont la prise ne peut pas être trop différée. Après dépéchez vous de battre tout ce qui peut se trouver à Matchin, en passant le Danube sous Brahilov; durant le siège de cette forteresse, détachez un corps volant, de 15 mille hommes pour observer la forte garnison d'Ismaïl et le pas de Réni, comme aussi pour couvrir les convois en cas de besoin; sa position sera au delà du Zéret et il pourra passer le Pruth pour combattre des forces analogues à lui sans perdre de temps, et aussitôt revenir sur ses pas pour être à portée de rejoindre les assiégeants. Son commandant ne doit jamais se laisser tromper par certaines démonstrations, quoique presque inconnues aux Turcs, ignorant même l'effet des nôtres, ou en s'amusant, nous ne faisons que fatiguer les troupes en vain.

Mais venons au véritable objet des Turcs, pour faire lever le siège ou secourir Brahilov. Leur armée passera le Danube plutôt sous Silistrie qu'ailleurs; étant instruit de leurs mouvements à fond, on tirera le corps volant à soi et, laissant ce qu'il faudra pour continuer le siège, on ira à leur rencontre, on les chargera et, les ayant battus, on les poursuivra au possible, pour pouvoir retourner et tranquillement finir le siège. Et si leur armée entreprendrait la même chose aux environs de Réni, on suivra le même principe.

La même conduite doit être toujours observée par nos troupes et, autant qu'il se peut, elles doivent suivre la règle de battre l'ennemi en campagne avant d'entreprendre un siège.

Après la prise de Brahilov et l'exécution de quelques defaites qui ne pourront manquer, nos troupes se replieront sur Ismaïl pour en former le siège et l'emporter de la manière qu'il est dit ci-dessus. Du reste, on suivra tout ce qui a été remarqué dans les premières observations.

Les troupes, en se repliant sur Ismaïl au nombre susdit de 60.000 hommes, laisseront tout le surplus en Valachie, qui donnera une garnison suffisante à Brahilov; ce corps intérieur doit être aussitôt augmenté jusqu'à 10 mille hommes et, en attendant que le premier corps actif s'occupera au siège dlsmaïl, il doit en même temps agir sur Giurgievo et Roustchouk, comme il est ci-dessus mentionné, éclaireissant les deux bords du haut Danube, en comblant, démantelant et rasant tout ce qui se trouvera des fortifications turques, pour n'être pas obligé de tenir nulle part des garnisons ou postes fixes, et autant qu'il peut, si dès le commencement il ne serait pas pourvu de ce nombre. Après la prise d'Isrnaïl, il faudra prévoir au juste par le calcul du temps, si l'arrière-saison le permettra, au corps actif de pousser jusqu'à Varna; si non, ces deux corps seront répartis en quartiers d'hiver dans les deux principautés et l'opération sur Varna sera remise au premier fourrage vert du printemps suivant.